Retraites : les dix piliers du nouveau régime universel

Rédigé le 11/10/2018

Solveig Godeluck Le 10/10 à 19:27 Mis à jour le 11/10 à 09:26

Le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a ébauché à grands traits les contours du futur système universel de retraite. – Luc Nobout/IP3

Le haut-commissaire à la réforme des retraites a dressé le bilan de la première phase de concertation, ce mercredi, avec les partenaires sociaux. Il a dessiné l’ébauche du futur système de retraite promis par Emmanuel Macron. La voici résumée en dix chapitres.

  1. Un système universel par répartition et par points

« Ce n’est pas une réforme, mais la mise en place d’un système universel », dit souvent Jean-Paul Delevoye. Le principe, c’est « mêmes carrières, mêmes revenus, mêmes cotisations, mêmes retraites », a expliqué mercredi le haut-commissaire à  la réforme des retraites , car « les Français ont soif d’équité et d’universalité ».

Le futur système de retraite  fonctionnera par points , et non plus par annuités. Il sera fondé comme aujourd’hui sur la répartition, et non la capitalisation, les actifs finançant les pensions immédiatement servies. Il englobera les 42 régimes obligatoires qui coexistent aujourd’hui : base, complémentaire, fonctionnaires, privé, indépendants, régimes spéciaux… Pour absorber tous ces régimes, y compris ceux de la fonction publique, il devra élargir l’assiette actuelle de cotisation au régime général du privé, qui passera de 3.300 euros de revenu par mois (soit un « plafond de la Sécurité sociale ») à trois fois ce montant.

2. Un espace pour la capitalisation pour les hauts revenus

On ne sait pas à ce stade si les 300.000 assurés sociaux qui ont des revenus supérieurs à 120.000 euros par an, soit 3 plafonds de la Sécurité sociale, vont pouvoir continuer à cotiser au-dessus de ce seuil. Aujourd’hui, leurs revenus sont pris en compte pour la retraite jusqu’à 8 plafonds de la Sécurité sociale à l’Agirc-Arrco.

3. Toute la carrière prise en compte

Dans le futur système par points, un euro cotisé vaudra les mêmes droits pour chaque Français. Ce qui signifie concrètement que chaque jour travaillé rapportera des droits à retraite. C’en est donc fini de la règle des vingt-cinq meilleures années dans le privé et des six derniers mois dans le public, servant de base de calcul des droits à retraite, ainsi que du nombre minimum d’annuités pour le taux plein.

Une perspective effrayante pour Catherine Perret, négociatrice CGT, qui considère que « 90 % des pensions vont baisser », du fait des carrières à trous. Au contraire, explique Sophie Le Bret, au haut-commissariat à la réforme des retraites, « les points compensent mécaniquement les carrières heurtées », par rapport au système actuel. Au régime général, quand on gagne trop peu certains mois, on ne parvient pas à obtenir l’équivalent d’un trimestre cotisé, et on est sanctionné au moment de la liquidation. De plus, vu les exigences de durée de cotisation, 20 % des femmes et 8 % des Une perspective effrayante pour Catherine Perret, négociatrice CGT, qui considère que « 90 % des pensions vont baisser », du fait des carrières à trous. Au contraire, explique Sophie Le Bret, au haut-commissariat à la réforme des retraites, « les points compensent mécaniquement les carrières heurtées », par rapport au système actuel. Au régime général, quand on gagne trop peu certains mois, on ne parvient pas à obtenir l’équivalent d’un trimestre cotisé, et on est sanctionné au moment de la liquidation. De plus, vu les exigences de durée de cotisation, 20 % des femmes et 8 % des hommes sont obligées d’attendre 67 ans pour ne pas partir avec une décote.

  1. Des adaptations pour les indépendants

Alors que les salariés et les fonctionnaires cotiseront au même niveau, de l’ordre de 28 % pour les employeurs et les assurés, les indépendants vont être traités à part. En effet, ils bénéficieront d’un régime de cotisations adapté, pour  ne pas être étranglés par une hausse subite de leurs charges sociales . Les leurs tournent autour de 15 % et varient selon les professions et les revenus. Mais chez eux, c’est la même personne qui paie à la fois la part patronale et la part salariale, ce qui est parfois lourd à porter. De plus, ils cotisent sur une assiette de rémunération nette, à la différence des salariés qui partent du brut.

Cette assiette va évoluer. Pour les petits revenus, sous le plafond de la Sécurité sociale, le niveau de la cotisation d’assurance-vieillesse est déjà comparable à celui des salariés. Le régime adapté permettra aux indépendants de continuer à cotiser moins au-dessus de ce plafond. Logiquement, ils récolteront aussi moins de points.

5. Les primes des fonctionnaires prises en compte

Fonctionnaires civils, militaires, et salariés des régimes spéciaux vont voir l’intégralité de leurs primes prises en compte pour le calcul de leurs droits à retraite. Un changement profond. Aujourd’hui, seule une petite partie est convertie, via le régime additionnel de la fonction publique (RAFP).

Une décision bien accueillie par Dominique Corona, à l’Unsa, qui remarque toutefois que « la seule chose qu’on va regarder, c’est qu’il n’y ait pas de baisse des pensions ». Les agents qui ne touchent peu ou pas de primes, comme les enseignants, ne doivent pas être pénalisés sur leurs pensions, insiste ce syndicaliste. Mais il sera difficile de répondre à une telle exigence. A l’inverse, ceux qui ont une forte proportion de primes risquent de voir leurs cotisations monter en flèche. Il faut donc repenser la politique salariale du secteur public, et cela fera l’objet d’une concertation spécifique, a annoncé le haut-commissaire.

  1. Des droits familiaux dès le premier enfant

Le nouveau régime sera « plus solidaire que les annuités », a promis Jean-Paul Delevoye, et il permettra « peut-être d’embarquer de nouvelles solidarités ». Première traduction concrète : des points seront accordés pour chaque enfant, dès le premier.  Aujourd’hui, les mères bénéficient de  majorations de durée d’assurance dès le premier enfant, et les deux parents d’une bonification de leur pension à partir de trois enfants.

Une annonce qui a contenté Pascale Coton, à la CFTC. La syndicaliste a également évoqué le sujet des aidants familiaux, « plus de 3 millions de femmes qui arrêtent de travailler » pour porter assistance à un proche malade ou âgé, et qui mériteraient de bénéficier de ces « nouvelles solidarités » évoquées par Jean-Paul Delevoye. Lequel y semble disposé.

7. Une pension minimum

Au-delà du mécanisme de minimum vieillesse (a priori inchangé), les Français ayant travaillé toute leur vie à temps partiel ou avec des revenus modestes pourront bénéficier d’un minimum de pension. Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, a demandé « au moins 100 % du SMIC pour ceux qui ont cotisé toute leur vie », s’indignant du fait qu’aujourd’hui certains touchent « à peine 30 euros de plus que le minimum ».

8. Un âge minimum avec prise en compte de la pénibilité

Jean-Paul Delevoye a par ailleurs redit que la retraite  resterait à 62 ans . L’âge minimum aurait pu être supprimé, mais il sera conservé « pour protéger contre eux-mêmes » les assurés, qui risqueraient de partir avec une trop faible pension sans cela. Quant à  l’instauration éventuelle d’un « âge-pivot » , pour retarder un peu plus les départs, « ce n’est pas de notre ressort », a-t-il botté en touche, sans fermer la porte : c’est une question de gouvernance et de pilotage du régime. De son côté, Geoffroy Roux de Bézieux, le patron du Medef, est resté évasif : « Il faut un système de pilotage. Cela peut-être l’âge-pivot, mais il y a d’autres systèmes ».

Sur l’avenir des départs anticipés (régimes spéciaux, carrière active dans la fonction publique, etc.), la question, très sensible, sera abordée lors de la deuxième phase de concertation. Le régime permettra « de prendre en compte les spécificités de certaines situations (carrières longues, métiers pénibles ou dangereux, handicap…) dès lors qu’elles reposent sur des différences objectives », indique l’exécutif. Ce qui promet d’âpres débats.

  1. Les droits acquis préservés lors de la transition

La concertation qui reprend officiellement pour six mois pourrait se poursuivre jusqu’en mai et le projet de loi est prévu courant 2019. Les assurés qui seront à moins de 5 ans de l’âge de départ lors de l’adoption de la loi ne seront pas concernés par la réforme. Les autres  basculeront immédiatement dans le nouveau système , avec une conversion en points de leurs droits acquis. Ces derniers seront « garantis à 100 % », selon Jean-Paul Delevoye, y compris les cotisations au-dessus de 3 plafonds à l’Agirc.

La transition n’en sera pas moins progressive afin d’harmoniser par étapes les droits des uns et des autres, comme le souhaite la CFDT, qui demande 15 ans de délai.

10. Des règles d’or pour le pilotage

« C’est une réunion utile qui a rappelé que la réforme est qualitative, et non punitive », s’est félicité Laurent Berger. Son objectif n’est pas de faire des économies en modifiant les paramètres d’âge, de cotisations ou de pensions. Il n’est pas non plus d’accroître le poids des pensions dans le PIB, a prévenu Jean-Paul Delevoye : « 14 % est un maximum ».

Le besoin de financement du système de 4,5 milliards d’euros en 2022 devrait être résorbé grâce au quasi-gel des pensions en 2019-2020, ce qui permettra d’avoir un « an zéro » de la réforme à l’équilibre. Par la suite, le haut-commissaire veut instaurer « des règles d’or qui n’impactent pas les générations futures » afin de piloter les comptes du régime universel. Autrement dit, l’impossibilité de transférer de la dette aux suivants.

Pascal Pavageau (FO) s’est ému du risque d’une « instabilité permanente », avec un point qui ferait le yo-yo pour éviter tout déficit annuel. Mais Jean-Paul Delevoye a répliqué qu’il ne visait pas l’équilibre à court terme, préférant s’adapter à la conjoncture. Au passage, le haut-commissaire a marqué sa préférence pour un système d’indexation des droits basé non plus sur les prix, mais sur l’évolution des salaires. Cela pourrait faire partie des « garanties » offertes aux assurés pour éviter le décrochage relatif des pensions. Mais cela changerait l’équation financière.